Le deuil au-delà de la mort
Mai 5, 2025

Comme pour l’ensemble du Vivant, nos vies sont rythmées par l’impermanence, par des naissances et des morts physiques et symboliques, plus ou moins marquantes. Nous vivons sans cesse une spirale d’émotions et de ressentis, le plus souvent de manière inconsciente. Au-delà de la mort d’un proche, le deuil accompagne également toute transformation et sensation de perte dans nos vies. Il accompagne un changement de situation, une rupture, un conflit, la maladie, la perte, un déménagement.

L’approche du deuil qui résonne le plus en moi est celle proposée par le célèbre psychothérapeute Francis Weller, qui présente les cinq portes du deuil comme un moyen de reconnaître et de comprendre les différents types de perte que nous ressentons. Cette approche est une invitation à conscientiser nos émotions, la possibilité d’honorer ce que nous ressentons, car plus nous sommes capables de ressentir notre peine, plus nous sommes aussi en mesure de ressentir de la joie et du plaisir dans la vie. Cette approche, qui rend la reconnaissance et l’expression du chagrin accessibles à tous, se présente ainsi :

  1. Tout ce que nous aimons, nous le perdons
    Cette première porte nous rappelle l’impermanence et les mouvements éternels de la vie. Elle nous invite à ressentir notre chagrin pour ce que nous avons perdu, ce qui a changé dans nos vies : notre corps, nos capacités physiques, notre santé, un emploi, un lieu ou un style de vie, une relation amoureuse, un ami, une relation ou même un animal de compagnie, etc.
  2. Les parts de soi qui n’ont pas reçu d’amour
    Cette deuxième porte nous invite à identifier les parts de nous qui ont été négligées, rejetées, blessées ou abusées dans le passé, et qui ont besoin d’une attention aimante. Ce sont, par exemple, notre joie, notre tristesse, notre colère, notre intensité, notre sensualité, notre sexualité, etc.
  3. Les souffrances du monde
    Cette troisième porte est celle où nous ressentons notre peine pour l’état de la planète, les injustices environnementales, raciales et sociales, la souffrance des autres, la destruction du monde naturel, l’extinction d’autres espèces, et où nos espoirs pour l’avenir sont ébranlés.
  4. Ce que nous attendions mais n’avons pas reçu
    Cette quatrième porte nous confronte à nos déceptions, aux attentes que nous avions envers la vie et aux rêves jamais réalisés. Ce que nous avons souhaité et que nous n’avons jamais reçu, comme grandir avec des adultes aimants et responsables, la sécurité, l’amour, le toucher, le respect, le soutien, la communauté, l’attention, etc.
  5. Le deuil ancestral
    Cette cinquième porte nous amène à reconnaître le chagrin que nous portons en nous et qui provient de la douleur vécue par nos ancêtres. Le chagrin qu’ils ont ressenti, parfois inconsciemment et silencieusement, à la suite de changements dans leur vie, comme le déracinement, thème central de ce livre. Cette porte nous permet de reconnaître les schémas toxiques et les blessures non guéries de nos ancêtres aux niveaux familial, systémique et culturel. Elle peut aussi concerner notre nostalgie, notre mélancolie des temps lointains, les modes de vie ancrés dans la Terre de nos ancêtres ; les anciennes pratiques rituelles, danses et chansons partagées au coin du feu.

Je saisis cette occasion pour ajouter une sixième porte au deuil, créée par la facilitatrice et enseignante Sophy Banks, qui me semble essentielle :

  • Le mal que j’ai causé à moi-même et aux autres
    Cette porte nous permet d’identifier les origines de nos regrets et de notre culpabilité. Elle nous invite à assumer la responsabilité du mal que nous nous infligeons pour sortir d’une éventuelle position de victime. Elle peut concerner les parts de nous-mêmes que nous n’aimons pas, le mal causé aux autres et au monde naturel par notre participation inévitable à une société de consommation dévastatrice. Cette porte est également une invitation à nous pardonner nous-mêmes, en nous libérant des auto-jugements que nous portons. Pour moi, ces six portes sont une façon merveilleuse de découvrir les profondeurs de notre cœur, nous donnant la possibilité d’accéder au pardon, à plus d’amour et de respect de soi, ainsi qu’à une plus grande acceptation de notre vie et de ceux qui en font partie.

Extrait de La Sagesse des Ancêtres – p.238. À ce jour, le travail de Francis Weller n’a toujours pas été traduit en français, malgré une demande et un besoin croissants. Si vous connaissez un éditeur intéressé, contactez la traductrice Marianne Souliez.