Voici une traduction du célèbre Bert Hellinger dans laquelle j’ai délibérément remplacé l’expression « mouton noir » par « brebis galeuse ». Je suis convaincue que cette expression était dénuée de toute connotation raciste de la part de l’auteur, mais cette correction est un exemple représentatif de la façon dont une brebis galeuse peut bousculer le statu quo.
« Les fameuses « brebis galeuses » de la famille sont en réalité les pionniers qui libérèrent l’arbre généalogique. Ce sont ceux qui ne se plient pas aux règles ou aux traditions familiales, ceux qui cherchent constamment à révolutionner les croyances, qui vont à l’encontre des voies traditionnellement empruntées par le reste de la famille, ceux qui sont critiquées, jugés et même rejetés. Ces membres de la famille sont appelés à libérer l’arbre des schémas répétitifs qui frustrent des générations entières.
Ces « brebis galeuses », qui ne s’adaptent pas et hurlent à la rébellion, en réalité réparent, détoxifient et façonnent de nouvelles branches plus florissantes dans leur arbre généalogique… C’est à travers cette révolte que se manifestent les innombrables désirs inassouvis, rêves inachevés et talents frustrés de nos ancêtres. Par inertie, l’arbre généalogique fera tout pour maintenir le parcours castrateur et toxique de son tronc, rendant ainsi la tâche difficile et conflictuelle… Ne doutez plus, entretenez votre « rareté » comme la fleur la plus précieuse de votre arbre. Vous êtes le rêve de vos ancêtres »
Bert Hellinger
À l’instar de mes parents, j’ai toujours eu l’impression d’être la brebis galeuse de la famille, celle qui dit tout haut ce que les autres pensent tout bas. Celle qui aime mettre en lumière les non-dits, les choses cachées et qui aime creuser le sol à la recherche de squelettes enfouis. Ça fait mal d’être considéré comme perturbateur ou de se sentir rejeté pour ce que l’on est.
Mais le temps des bûchers est révolu et le moment est venu de donner un bon coup de pied dans la fourmilière pour nous sortir de notre amnésie collective, de notre individualisme, de notre consumérisme et de notre incompréhension du monde. Le rêve américain qui nous a fait croire que tout nous était dû est un leurre dans lequel des générations ont sombrées et qui a favorisé la décadence qui nous mène à notre perte. Une situation qui impose à ma génération et surtout à celles qui suivent la lourde tâche de nous réveiller de nos modes de vie contre-nature, destructeurs et individualistes.
Les ressources de la planète s’amenuisent, les conflits se multiplient, le gouffre entre les riches et les pauvres s’élargit et le monde naturel disparaît sous nos yeux. Nous avons atteint le bord d’un précipice qui nous oblige à nous arrêter dans notre course effrénée; un vide qui nous appelle à nous retourner et à faire face à notre histoire pour comprendre les chemins que nous avons manqués. Un passé où se trouvent les innombrables trésors de nos lointains ancêtres qui sont essentiels à la construction d’une passerelle vers un monde plus durable.
C’est là que nous, rebels, révoltés, marginaux et brebis galeuses, sommes appelés ! Nous sommes appelés à unir nos forces pour briser les schémas toxiques, changer les tendances et tisser un monde nouveau, au-delà du personnel et du familial.
Même si tout travail de guérison commence par soi, un véritable travail de libération répond aux blessures systémiques et collectives qui nous affectent tous. Une approche thérapeutique qui omet nos schémas collectifs autodestructeurs et qui ne reconnait pas notre rupture avec le monde naturel comme cause profonde du mal-être de l’humanité, passe à côté de l’essentiel. Elle nous maintient séparés, aveugles et perpétue les schémas mêmes que nous espérons briser.
Nous avons perdu notre chemin, et tant que notre espèce ne se souviendra pas d’où elle vient et marchera à l’encontre de sa vraie nature, aucune forme de bien-être ou d’harmonie ne pourront être atteints. Le véritable travail de guérison nous invite à nous remémorer la place de l’humanité sur Terre, à raviver notre lien au Vivant et à nos racines.